Événement « les droits de l’Homme au Conseil de sécurité : un rôle en évolution »

INTERVENTION DE M. FRANCOIS DELATTRE
Représentant permanent de la France auprès des Nations unies

Merci beaucoup mon cher Heiko,

Je voudrais commencer par remercier très chaleureusement mon collègue allemand pour avoir susciter cette réunion importante et ce rapport du « Security Council report », une organisation dont je voudrais saluer ici le travail. Un grand merci à toi, Heiko Thoms, à Ian Martin, à Joanna (Weschler). Un grand merci aussi aux autres panelistes qui sont avec nous, et non des moindres, Leila Zerrougui, c’est formidable que tu puisses être là avec nous, Richard Bennet et Joanna Weschler que j’ai mentionnée.

Le sujet, mes chers amis, qui nous réunit aujourd’hui : le rôle des droits de l’Homme au Conseil de sécurité, est pour nous une responsabilité et un défi à la fois.

Une responsabilité car la France, comme l’Allemagne, fait du respect des droits de l’Homme une priorité de son action extérieure. Les violations massives des droits sont évidemment un drame en soi, qui violent la conscience universelle et, avec elle, les valeurs les plus profondes des Nations unies. Mais ces violations sont aussi, bien souvent, l’indicateur d’une déstabilisation d’un pays, d’une région et finalement une menace la paix et la sécurité. La France est donc à l’initiative au Conseil de sécurité pour agir par deux voies complémentaires notamment : l’une dédiée à l’information et à l’alerte sur la situation des droits de l’Homme (1), l’autre à l’action, et en particulier à l’action préventive (2) :

1) Il est essentiel que le Conseil dispose d’abord de l’information – impartiale et rigoureuse- nécessaire à l’action. C’est le début de tout. C’est pourquoi la France soutient l’interaction des acteurs des droits de l’Homme avec le Conseil de sécurité. Comme le souligne éloquemment votre rapport, le Haut-commissaire aux droits de l’Homme ou son adjoint ici à New York sont régulièrement invités par le Conseil à « briefer » sur la situation dans différents pays ou bien sur la protection des civils. Et pour cela, nous sommes prêts à aller au vote de procédure, rarissime normalement, comme nous l’avons démontré par deux fois sur la Corée du Nord ces 2 dernières années. C’est une question de principe pour nous, désormais ancrée, et c’est un immense progrès, dans la pratique du Conseil. Il est heureusement loin le temps où la venue du Haut-commissaire aux droits de l’Homme pour une session du Conseil de sécurité sur le Darfour était un événement « hors norme » ou le résultat d’un combat. Mais ne nous y trompons pas, cet acquis est fragile, car la diversité des positions au Conseil de sécurité fait que c’est un acquis qu’il faut protéger et consolider.

Par ailleurs, la France et ses partenaires organisent des réunions en format « Arria » ; c’est ainsi à l’initiative de la France que s’est tenue une Arria sur la situation des droits de l’Homme en Corée du Nord qui a ouvert la voie à l’inscription de ce sujet à l’agenda du Conseil de sécurité en décembre 2014. C’est une avancée majeure. Je pourrais également citer l’Arria sur les barils d’explosifs en Syrie l’an dernier organisée avec l’Espagne ou encore l’Arria du 15 avril 2014, sur la torture en Syrie, à partir des photos de César, l’une des plus poignantes sessions de ce type de ces dernières années. Cela est pour l’information, encore une fois impartiale, rigoureuse, qui est vraiment le début de tout et la condition de tout.

2) Le deuxième axe, c’est le domaine de l’action. La France plaide au Conseil pour que les opérations de maintien de la paix disposent de mandats de protection des droits de l’Homme robustes. Elle l’a fait pour la MINUSMA (Mali), la MINUSCA (RCA) ou la MONUSCO (RDC). Là aussi, c’est un acquis à présent que l’on adapte naturellement en fonction de chaque situation. Les sections droits de l’Homme des opérations peuvent ainsi documenter les violations et, en coopération avec l’Etat hôte, assister les autorités dans les domaines que sont l’Etat de droit, de la sécurité ou de la réforme de la justice qui sont les conditions d’une stabilité à long terme.

II - C’est notre responsabilité de membre permanent, et c’est notre défi ici à New York, que d’utiliser au mieux les capacités du Conseil pour faire progresser la protection des droits de l’Homme au service de la paix et de la sécurité, avec pour ce qui nous concerne et en résumant, 3 objectifs notamment :

1) Premièrement, la protection des civils car les civils constituent 92 % des victimes des conflits. Nous nous efforçons de mobiliser le conseil sur la question de la protection des personnes vulnérables. Je pense notamment aux enfants dans les conflits armés et notamment les enfants soldats, y compris ceux qui tombent sous l’emprise de groupes armés non étatiques. Nous soutenons en ce sens tous les efforts de la représentante spéciale ici présente. Et permettez-moi de féliciter chaleureusement Leila Zerrougi pour son engagement exemplaire qui force l’admiration. La France est résolument engagée, au Conseil de sécurité en particulier et dans toutes les enceintes pertinentes sur ce dossier.

2) La participation des femmes et leur protection dans les conflits armés est un autre objectif crucial. Nous soutenons le développement de l’agenda « femmes, paix et sécurité » et la mise en œuvre rapide de la résolution 2242 aux côtés de l’Espagne, avec nos amis britanniques et d’autres.

Dans ce contexte, la France reste et restera très mobilisée dans la lutte contre les violences et abus sexuels et contre l’impunité des responsables d’exactions. Nous soutenons ainsi le renforcement de la politique de « tolérance zéro » du Secrétaire général en la matière.

3) 3ème objectif : la lutte contre l’impunité précisément au sens large, et en particulier pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, en soulignant le rôle de la Cour pénale internationale mais aussi d’autres mécanismes de justice pénale pertinents, par exemple la Cour pénale spéciale en République centrafricaine. Je voudrais rappeler qu’en mai 2014, la France a introduit une résolution visant à déférer au Procureur de la Cour pénale internationale la situation en Syrie et que ce projet s’est heurté à un double veto. De tels crimes de masse ne peuvent se poursuivre sans que le Conseil de sécurité ne puisse agir. C’est le sens de l’initiative de la France et du Mexique sur l’encadrement du droit de veto s’agissant des crimes les plus graves tels qu’ils sont définis par le statut de Rome. A ce jour, plus de 90 Etats soutiennent cette initiative importante, parmi lesquels, et je les en remercie, nos amis allemands. Le code de conduite du groupe « Accountability, Coherence, Transparency » (ACT), que nous avons endossé, est complémentaire de l’initiative franco-mexicaine, et les deux initiatives progressent donc de manière concertée et cohérente.

Votre rapport évoque certains obstacles, qui sont aussi des espaces de travail : les dynamiques propres à la composition du Conseil, les défis traditionnels de la coordination entre acteurs onusiens et leur réactivité, les Etats eux-mêmes bien sûr. Pourtant je voudrais terminer sur une note positive : les droits de l’Homme occupent une place inégalée au Conseil de sécurité. L’initiative « Les droits de l’Homme avant tout » (Human Rights Up Front) du Secrétaire général, le rapport du panel indépendant sur les opérations de paix, et je pourrais multiplier les exemples… tout le système des Nations unies nous encourage à prolonger également l’effort au Conseil. La tendance est claire, il faut la consolider et il faut la prolonger. Nous y sommes très attachés. La France reste et restera encore une fois totalement mobilisée sur ce thème. Car le propre du maintien de la paix c’est aussi de prévenir les crises et de construire la paix et le développement sur des fondations solides.

Je vous remercie.

Dernière modification : 05/02/2016

Haut de page